Le “vol du siècle” s’est produit dans les territoires occupés, non au musée du Louvre

9:19 - November 07, 2025
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IQNA-Alors que les médias du monde entier se sont concentrés sur le vol survenu au musée du Louvre à Paris le 19 octobre, une autre opération, bien plus grave selon des chercheurs palestiniens, se déroule dans le silence : le pillage systématique du patrimoine archéologique en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupées.

Selon le quotidien Al-Quds Al-Arabi, Walid Habbas, chercheur spécialiste des affaires israéliennes, a révélé l’existence de 60 décisions officielles publiées entre 2013 et l’été 2025 par l’Administration civile israélienne, organe du gouvernement militaire dans les territoires palestiniens. Ces décisions, selon lui, légalisent le vol et la confiscation d’antiquités palestiniennes sous couvert de « fouilles archéologiques » et de « protection du patrimoine ». Une carte interactive, publiée en 2025 par les autorités israéliennes, montre les sites concernés, témoignant de l’ampleur inédite de ces opérations.

Habbas souligne que, tandis que le monde s’indigne d’un vol d’œuvres au Louvre — musée qui abrite lui-même d’innombrables objets arrachés à d’autres civilisations —, le “véritable vol du siècle” se déroule dans les territoires palestiniens. Il explique que plusieurs acteurs participent à cette entreprise : l’Administration civile israélienne, les universités israéliennes à travers leurs départements d’histoire et d’archéologie, des fondations évangéliques internationales, et enfin des pilleurs locaux palestiniens infiltrés.

Un congrès d’archéologie organisé récemment par l’Administration civile israélienne, et dont les enregistrements sont diffusés sur YouTube, confirme cette politique. Les conférences y présentent les fouilles et “recherches” menées par des institutions israéliennes sur des dizaines de sites en Cisjordanie, qualifiés de “patrimoine israélien”. Un livret officiel recense 63 sites classés comme historiques israéliens, dont 59 situés dans le gouvernorat de Naplouse, trois à Ramallah et un à Salfit.

Pour Saleh Tawafsha, vice-ministre palestinien du Tourisme et des Antiquités, ces mesures constituent une attaque systématique contre le patrimoine national palestinien. Dans une interview à Al-Quds Al-Arabi, il dénonce des opérations coordonnées de fouilles, de confiscations et de destructions menées sous la protection de l’armée israélienne. Selon lui, ces actions visent à effacer toute trace matérielle prouvant la présence historique du peuple palestinien sur sa terre.

Le 27 octobre 2025, le gouvernement israélien a approuvé un nouveau budget de 40 millions de shekels destiné à renforcer les projets de “préservation du patrimoine juif” dans plusieurs zones de Cisjordanie. Ce financement, qui s’inscrit dans un “plan de sauvetage à long terme” lancé en 2023, couvre des dizaines de sites du nord au sud de la région et de la vallée du Jourdain. Israël prétend que ces sites sont liés à son “histoire antique”. Les fonds proviennent de divers ministères israéliens — éducation, culture, environnement, transport, justice et défense — et s’ajoutent aux budgets touristiques attribués aux colonies construites sur des terres palestiniennes.

Parmi les sites ciblés figurent Sébastia, près de Naplouse, que les autorités israéliennes présentent comme “capitale du royaume d’Israël antique”, les palais hasmonéens de Jéricho, la forteresse d’Hyrcania dans le désert d’Hébron, le tell d’Hébron lui-même, et plusieurs sites de la vallée du Jourdain.

Amichaï Eliyahou, ministre israélien du Patrimoine, a déclaré que son ministère « n’attendra pas l’annexion officielle de la Cisjordanie » pour agir. Selon lui, “le développement des sites patrimoniaux en Judée-Samarie ne dépend d’aucune décision étrangère : chaque jour de retard signifie la perte d’un peu plus de notre héritage”. Ces propos traduisent la volonté d’Israël de renforcer sa présence sur le terrain par la culture et l’archéologie, en dehors de tout cadre légal international.

L’UNESCO, de son côté, a inscrit Sébastia et Jéricho sur la liste du patrimoine mondial en péril. L’organisation avertit depuis des années que les fouilles et restaurations israéliennes effectuées sous prétexte de “préservation du patrimoine juif” relèvent d’une politique de judaïsation et de détournement de l’identité historique des sites palestiniens.

Tawafsha souligne que ces financements considérables ne sont qu’une étape vers l’annexion de facto des sites archéologiques situés dans la zone C, qui représente plus de 60 % de la Cisjordanie. Il affirme que sur 326 sites archéologiques palestiniens, près de 220 ont déjà été totalement ou partiellement détruits par les forces d’occupation. Le Parlement israélien (Knesset) discute par ailleurs d’un projet d’intégration complète des sites de la zone C — environ 3 753 lieux — dans les institutions officielles israéliennes.

Le responsable palestinien dénonce aussi une nouvelle mesure prise récemment : pour la première fois, des lycéens israéliens ont été autorisés à participer à des fouilles dans les territoires occupés et à obtenir des crédits universitaires pour ces activités, ce qu’il considère comme “une normalisation du vol du patrimoine palestinien”.

Face à cette situation, le ministère palestinien du Tourisme et des Antiquités tente de mobiliser les instances internationales. Il entretient des contacts avec des organisations archéologiques, des experts et des diplomates dans le monde entier afin de dénoncer les violations israéliennes. Tous les actes de vandalisme et de spoliation sont régulièrement signalés à l’UNESCO.

Mais, selon Tawafsha, l’organisation onusienne demeure trop timide : “Ses déclarations manquent de fermeté, et la plupart de ses décisions restent sans suite. Nous appelons à un rôle plus fort et plus courageux des institutions internationales pour mettre fin à ces attaques et protéger notre patrimoine, preuve vivante de notre droit sur cette terre.”

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