
Selon Le quotidien de l'Art, Souraya Noujaim, directrice du département des arts de l’Islam au musée du Louvre depuis 2022, souligne que la récente exposition Mamlouks, présentée à Paris puis au Louvre Abu Dhabi, illustre une nouvelle vision du patrimoine islamique : celle d’un art pleinement intégré à l’histoire mondiale. Pour elle, l’enjeu est de sortir d’une lecture occidentalo-centrée de l’histoire de l’art et de replacer les créations du monde islamique — du Caire à Damas, d’Alep au Golfe persique — dans un dialogue global.
L’exposition Mamlouks s’inscrit dans ce mouvement. Elle met en lumière une période longtemps marginalisée, entre croisades et essor ottoman, où s’épanouit un art d’une modernité saisissante. Les 250 œuvres présentées — bassins d’or et d’argent, lampes syriennes émaillées, céramiques, marqueteries géométriques et un Coran monumental — témoignent d’une créativité au carrefour des civilisations. Le célèbre baptistère de Saint Louis, symbole des échanges entre Orient et Occident, en est la pièce maîtresse. Noujaim insiste également sur la place des sciences et sur le rôle, souvent méconnu, des femmes mécènes dans la société mamlouke.
La réorganisation du Louvre, avec la création en 2022 d’un département des arts de Byzance et des chrétientés d’Orient, renforce selon elle une approche décloisonnée. Les arts de l’Islam dialoguent désormais davantage avec les autres civilisations. Noujaim veut dépasser la notion réductrice d’« arts décoratifs » héritée de la Renaissance pour restituer à ces objets leur dimension intellectuelle et spirituelle. Chaque œuvre, dit-elle, « porte un univers mental, une mémoire, une vision du monde ».
À ceux qui craignent une relégation des arts non occidentaux, elle répond que le département conserve une place centrale au Louvre. L’exposition Mamlouks, tenue dans le prestigieux Hall Napoléon, symbolise cette reconnaissance. Le repositionnement actuel vise à inscrire ces arts dans une histoire connectée, où les influences se croisent plutôt qu’elles ne s’opposent.
Ayant travaillé près de dix ans au Louvre Abu Dhabi, Noujaim connaît bien la dynamique culturelle du Golfe persique. Elle y a vu naître un véritable projet éducatif et scientifique, au-delà du simple soft power. Ce musée universel, premier du monde arabe, incarne selon elle une ambition partagée : faire dialoguer les cultures, transmettre la connaissance et construire une vision inclusive de l’histoire de l’art.