Pour Andrea Zhok, professeur de l'université de Milan, le véritable problème auquel l’Occident devra faire face dans les décennies à venir est la faillite de ses propres idéaux : rationalité, justice, droit, universalisme — devenus de simples paravents pour légitimer l’usage de la force.
Il décrit un monde divisé entre un bloc occidental, dominé culturellement par les États-Unis, et un ensemble de puissances non-alignées – Russie, Chine, Iran, entre autres – qui aspirent à un développement indépendant sans ingérence extérieure. Contrairement à l’image qu’il projette, l’Occident n’est plus ce garant des droits humains et de la légalité internationale, mais un acteur aux pratiques systématiquement contradictoires : changement de régime, mensonges à l’ONU, double discours diplomatique, surveillance intérieure massive.
Zhok dénonce la violence légitimée par un discours schizophrène : bombarder un peuple au nom des droits des femmes, assassiner des scientifiques pour préserver « la paix ». Il évoque ainsi le meurtre d’un quatorzième scientifique nucléaire iranien, tué avec sa famille. Il s’interroge : même si ces scientifiques avaient effectivement travaillé à une bombe – ce qui n’est pas prouvé – serait-ce plus grave que le travail des savants du projet Manhattan ? Et si le régime nazi avait envoyé des tueurs éliminer Einstein ou Oppenheimer, l’Histoire n’en aurait-elle pas fait un symbole de barbarie ?
L’auteur note que l’Occident a intériorisé une telle duplicité morale qu’il continue à se penser juste, même lorsqu’il agit de manière brutale et illégitime. La tradition occidentale de la parole fiable s’effondre sous le poids de ses contradictions. La confiance dans les institutions démocratiques, jadis fondée sur la raison et la justice, est ruinée par l’instrumentalisation permanente de ces mêmes principes.
Enfin, il conclut avec une ironie glaçante : Israël, autoproclamée seule démocratie de la région, posséderait l’armée la plus morale du monde, et ceux qu’elle tue l’ont sans doute « bien cherché ». Mais il met en garde : le jour où l’Histoire ne sera plus écrite par les vainqueurs habituels, ce récit pourrait changer — radicalement.