Les musulmans de Thaïlande : une communauté dynamique au cœur d’un royaume bouddhiste

18:02 - September 09, 2025
Code de l'info: 3493346
IQNA-La Thaïlande, pays d’Asie du Sud-Est majoritairement bouddhiste, compte environ six millions de musulmans, soit près de 10 % de sa population.

Selon Al Jazeera, présents principalement dans les provinces méridionales frontalières de la Malaisie, les musulmans thaïlandais forment une minorité active qui joue un rôle important dans la vie religieuse, sociale, économique et politique du pays.

L’islam, implanté depuis plus de sept siècles, s’y est développé à travers différents canaux : commerçants arabes et persans, marchands indiens musulmans et contacts avec la péninsule malaise.

Aujourd’hui, malgré des difficultés liées à l’éducation religieuse, au manque de ressources et à l’isolement de certaines régions, les musulmans thaïlandais bénéficient d’une liberté religieuse reconnue et continuent de renforcer leurs institutions.

Un héritage religieux ancien et des défis éducatifs persistants

L’introduction de l’islam en Thaïlande remonte au XIIIᵉ ou XIVᵉ siècle. Plusieurs théories existent : l’historien John Crawford attribue cette introduction aux marchands arabes et iraniens venus de l’Hadramaout, tandis que Snouck Hurgronje insiste sur le rôle des commerçants indiens musulmans.

Enfin, certains témoignages suggèrent une diffusion par le sultanat de Malacca au XVe siècle. Quelle qu’en soit l’origine, l’islam s’est profondément enraciné dans le sud du pays, notamment dans les provinces de Narathiwat, Yala, Pattani et Satun, où les musulmans représentent près de 85 % de la population locale.

La vie religieuse y est organisée autour de conseils islamiques provinciaux, responsables des questions liées aux mosquées, au droit de la famille et à l’enseignement religieux. Pourtant, le manque de ressources reste un défi majeur.

Certaines écoles islamiques, comme l’école orientale de Narathiwat, offrent un enseignement en arabe, malais, anglais et thaïlandais, mais peinent à se développer faute de financements suffisants. Malgré le soutien ponctuel de pays musulmans tels que l’Arabie saoudite, le Koweït ou l’Égypte, l’éducation islamique en Thaïlande demeure limitée.

De nombreuses écoles confessionnelles ne sont pas enregistrées officiellement et peu de publications islamiques existent en langue thaïe, ce qui réduit la transmission des connaissances.

Par ailleurs, de nombreux jeunes musulmans doivent fréquenter les écoles publiques, où l’enseignement bouddhiste est obligatoire, ce qui pose un problème d’identité et de continuité religieuse. L’absence de centres académiques islamiques solides au niveau national renforce ce défi.

Toutefois, la création en 1950 d’un collège islamique à Bangkok a permis à une partie de la jeunesse musulmane d’accéder à des bourses et de poursuivre leurs études supérieures, aussi bien en Thaïlande qu’à l’étranger.

مسلمانان تایلند، جامعه‌ای پویا در قلب کشوری بودایی

Liberté religieuse, institutions islamiques et intégration nationale

Malgré ces difficultés éducatives, les musulmans de Thaïlande bénéficient d’une liberté religieuse considérable. Ils célèbrent leurs fêtes, notamment le Mawlid, dans des lieux publics, souvent en présence du roi et de la reine. Les lois thaïlandaises reconnaissent les dispositions du droit islamique concernant le mariage, le divorce et l’héritage.

Les musulmans sont également exemptés de taxes lors de l’abattage rituel et bénéficient de congés officiels pour les fêtes de l’Aïd al-Fitr et de l’Aïd al-Adha. Les fonctionnaires musulmans peuvent accomplir le pèlerinage à La Mecque avec maintien de salaire, et plusieurs milliers de pèlerins thaïlandais participent chaque année au Hajj.

L’organisation institutionnelle de l’islam repose sur la figure du Sheikh al-Islam, représentant officiel des musulmans auprès de l’État, nommé à vie par le roi sur proposition des oulémas et des communautés locales. Il supervise un comité central musulman, qui coordonne 24 comités régionaux liés aux mosquées.

Ces structures assurent la représentation religieuse, bien que leurs membres ne perçoivent aucun salaire. Actuellement, Sheikh Ismaïl occupe ce poste et joue un rôle clé dans la préservation de la liberté religieuse.

La Thaïlande compte environ 4 000 mosquées, dont près de 200 à Bangkok. Le gouvernement finance régulièrement leur construction ou leur rénovation. Les musulmans disposent aussi de leurs propres associations : près de 700 organisations islamiques sont actives, bien que la majorité reste peu structurée. Par ailleurs, deux partis politiques musulmans existent, dont le plus récent se réclame d’un retour au Coran et à la Sunna.

یکشنبه / مسلمانان تایلند؛ جامعه‌ای پویا در قلب کشوری بودایی

Un acteur majeur est le Centre islamique de Thaïlande, fondé en 1956 à Bangkok. Cette institution privée soutient les étudiants musulmans grâce à des bourses (entre 1 500 et 2 000 bénéficiaires par an), organise la distribution de la zakat et développe le dialogue interreligieux.

Elle collabore avec des institutions islamiques étrangères, notamment en Égypte, en Arabie saoudite, en Malaisie et en Iran. Ses revenus proviennent principalement de la location de ses locaux et de dons, utilisés pour financer des programmes sociaux et éducatifs.

L’intégration des musulmans dans la société thaïlandaise se manifeste également dans le domaine économique. Dans le sud, beaucoup travaillent dans les plantations de caoutchouc ou dans de petites entreprises locales. À Bangkok, environ 250 000 musulmans sont installés, dont une partie exerce dans les professions libérales. L’urbanisation et la hausse de la valeur des terres agricoles ont permis à certains d’accéder à une meilleure situation financière.

 

Minorité religieuse importante, les musulmans de Thaïlande ont su préserver leur identité au sein d’un pays officiellement bouddhiste. Ancrés dans un héritage vieux de plusieurs siècles, ils continuent de faire face à des défis éducatifs et institutionnels, tout en jouissant d’une liberté religieuse reconnue.

Leur rôle dans la vie sociale, politique et économique du pays confirme leur intégration et leur dynamisme. Grâce à leurs structures religieuses, à leurs initiatives éducatives et à leurs relations internationales, les musulmans thaïlandais restent un exemple de coexistence au cœur d’un royaume où la diversité confessionnelle cohabite avec l’attachement aux traditions nationales.

4284803

captcha