L'émotion est vive en Égypte et dans le monde du football au lendemain des affrontements entre les supporteurs des clubs de Al-Masry et Al-Ahly et les têtes commencent à tomber. Kamal al-Ganzouri, le Premier ministre égyptien, a annoncé jeudi le limogeage de la direction de la fédération égyptienne de football. Il avait accepté plus tôt dans la journée la démission du gouverneur de Port-Saïd. Mais cela pourrait ne pas suffire. Certaines voix s'élèvent déjà pour réclamer le départ du gouvernement.
Le Premier ministre a également confirmé la mise à l'écart des principaux responsables des services de sécurité de Port-Saïd. "Le massacre (…) est dû à une négligence énorme des services de sécurité", a déclaré Saad al-Katatni le président de l'Assemblée (Parti de la Liberté et de la Justice, branche politique des Frères musulmans). De nombreux témoignages mettent en effet en cause l'inertie des forces de l'ordre et les failles dans le dispositif de sécurité.
Le gouvernement apparaît affaibli. Certains députés n'ont pas hésité à réclamer son départ lors d'une séance houleuse à l'Assemblée nationale égyptienne. Le pouvoir militaire doit "rendre des comptes", a lancé Mohamed Abou Ahmed - Bloc égyptien, libéral - en réclamant le départ des généraux. D'autres députés ont affirmé que le haut conseil militaire qui dirige l'Égypte porte "l'entière responsabilité" des évènements.
Pendant ce temps, des centaines de supporteurs du très populaire club d'Al-Ahly se sont rassemblés jeudi devant son siège au Caire, avec l'intention de se rendre sur la place Tahrir et de marcher sur le ministère de l'Intérieur, situé à proximité l'un de l'autre. Selon un photographe de l'AFP, environ 2.000 personnes se sont également réunies dans le quartier de Mohandessine, au Caire, pour protester contre les violences en agitant des drapeaux égyptiens et des bannières d'Al-Ahly. A Suez, dans le nord-est du pays, deux personnes ont été tuées jeudi dans des affrontements entre policiers et manifestants. Les deux hommes, des manifestants, ont été tués par balle selon des sources médicales, d'après qui une trentaine de personnes ont également été blessées.
Nombreux sont ceux en Egypte à évoquer une "conspiration contre la révolution". "C'est clairement un complot", a soutenu à l'AFP un habitant de Port-Saïd. "Les soldats ne font rien, laissent les gens passer, la fouille (avant le match) n'est pas faite correctement. C'est clair que c'était préparé d'avance", accuse de son côté un habitant, Mohammed. Les Frères musulmans se sont empressés dès mercredi soir de pointer du doigt les partisans du président déchu Hosni Moubarak, sans la moindre preuve.
Alors que l'Egypte célébrait la semaine dernière le premier anniversaire de la chute du régime de l'ancien président Hosni Moubarak, des accusations de nature politique ont été formulées. Les Frères musulmans ont ainsi accusé les partisans du président déchu d'être responsables des violences.
" Les événements de Port-Saïd ont été planifiés et sont un message des partisans de l'ancien régime ", a affirmé le député Essam Al-Erian dans un communiqué publié sur le site Internet du Parti de la liberté et de la justice, la formation politique de la confrérie.
Il a déclaré que l'Assemblée du peuple, dominée par les Frères musulmans, allait demander au ministre de l'intérieur et aux responsables de la sécurité d' "assumer pleinement leurs responsabilités ".
Albadri Farghali, représentant de Port-Saïd au Parlement, a accusé les autorités et les forces de sécurité d'avoir favorisé ce drame en leur reprochant des liens persistants avec l'ancien régime.
" Les forces de sécurité ont fait cela ou l'ont laissé se produire. Les hommes de Moubarak sont toujours au pouvoir. Le chef du régime est tombé mais tous ses hommes sont toujours en place, a-t-il hurlé, interrogé par téléphone en direct à la télévision. Où est la sécurité ? Où est le gouvernement ? ".
Le chaos existe en Égypte depuis un an et c’est le Conseil suprême des forces armées (CSFA) qui l’a laissé s’installer dans le pays. C’est une façon de montrer que les militaires sont indispensables et éventuellement de réinstaurer l’état d’urgence. Mais leur erreur – s’ils sont derrière les événements de Port Saïd – a été de s’attaquer à un match de foot car symboliquement, ils se sont attaqués au peuple. Le football est très important pour les Égyptiens, c’est proche de leur cœur. Alors, 74 morts à l’issu d’un match, c’est inacceptable pour le peuple.
946795