Selon Al-Furqan Islamic Heritage Foundation, avant la découverte des manuscrits de Sanaa au Yémen, ces pièces constituaient la principale référence pour l’étude de l’art de la calligraphie islamique primitive.
Des chercheurs tels que Georges Marçais et Louis Poinssot ont mené des études approfondies sur ces manuscrits, permettant de documenter leurs caractéristiques artistiques, bien que leurs recherches aient été menées indépendamment des corans conservés à Kairouan. Des documents anciens et des ouvrages comme At-Taysīr fī Ṣināʿat at-Tasfīr de Cheikh Bakr ibn Ibrāhīm al-Ishbīlī ont permis de mieux comprendre les techniques de fabrication du cuir et le vocabulaire associé.
L’Afrique du Nord, notamment Kairouan, était un centre majeur de production de cuir et d’objets liés à l’écriture. Des matériaux comme le safran ou l’ammoniac étaient importés pour le traitement des peaux. Le métier de copiste s’est développé, avec des figures comme Ahmad ibn ʿAlī Warrāq, célèbre pour avoir calligraphié, enluminé et relié un Coran en 410 H./1020.
Les rouleaux anciens de Kairouan
La collection des rouleaux anciens de Kairouan fut découverte au début du siècle dernier dans une petite pièce de la Grande Mosquée de la ville. Conservée d’abord au musée du Bardo, elle fut en grande partie transférée en 1985 au Centre d’études de la civilisation et de l’art islamique. Aujourd’hui, ces rouleaux sont répartis entre les musées du Bardo, de Raqqada et de Monastir.
Cette collection se divise en deux groupes. Le premier comprend des fragments rectangulaires mesurant entre 6 et 27 cm de long, sur 10,5 à 38 cm de large. Datés du IIIe au Ve siècle de l’hégire, ils sont souvent associés à des planchettes en bois d’olivier servant à la reliure des manuscrits coraniques, mais aussi parfois à des ouvrages de fiqh ou de hadiths. Les manuscrits étaient rangés dans des coffrets à trois verrous, reliés par des fils de soie colorés.
Le second groupe, plus récent, comprend des rouleaux sans serrures métalliques, fermés à l’aide de fil et de clous. Recouverts de cuir ou de carton feutré, ces manuscrits montrent un travail plus soigné, bien que leurs décorations soient plus simples. Leur conception illustre l’évolution des techniques de reliure et du goût esthétique en Ifriqiya.
L’évolution des rouleaux de Kairouan
Les rouleaux anciens de la bibliothèque de Kairouan sont classés en cinq groupes distincts, chacun représentant une période historique précise, selon des données techniques et des références documentées.
Le premier ensemble, daté du IXe siècle, comprend 51 manuscrits rectangulaires. Les reliures sont décorées de chaînes, d’anneaux, de galons ou de carrés encadrés, souvent ornés de rosaces. L’un d’eux fut légué à la Grande Mosquée de Damas en 270 H./883-884.
Le second groupe, composé de 18 volumes, se distingue par un style inspiré de l’Italie, mais enrichi de cadres multiples, de cercles gravés, de motifs en creux et en relief, daté de 988 (378 H.).
Le troisième ensemble (45 volumes) présente un style décoratif raffiné avec des motifs en forme de poire, de losanges et d’entrelacs. C’est ici qu’apparaissent pour la première fois des inscriptions dans des cercles. Il est daté des Xe-XIe siècles.
Le quatrième groupe (9 rouleaux), contemporain du précédent, est plus sobre et utilise des fils pour ses ornements.
Enfin, le cinquième groupe, le plus récent (XIIe-XIIIe siècles), se distingue par la précision de son exécution. Un rouleau est daté de 1256 (Rajjab 654 H.) et présente des similitudes avec des manuscrits de Marrakech.
