Le professeur de l’Université McMaster au Canada :

« L’Arbaïn est un cri universel contre l’injustice »

6:39 - August 16, 2025
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IQNA-Le professeur Liakat Takim, spécialiste reconnu de l’islam et titulaire de la chaire Sharjah en études islamiques à l’Université McMaster au Canada, voit dans le pèlerinage de l’Arbaïn un symbole de résistance face à l’injustice et à la tyrannie.

Originaire de Zanzibar, auteur et traducteur de huit ouvrages – un neuvième en préparation sur l’exégèse du Coran – et ayant publié plus de 140 études, il est également intervenu dans plus de 120 conférences académiques internationales. Ses recherches couvrent la réforme de la pensée islamique, le droit musulman, le soufisme, les questions de genre, l’islamophobie et les communautés diasporiques.

Dans un entretien accordé à l’Agence internationale de presse coranique (IQNA), il souligne que l’Arbaïn, rassemblant chaque année plus de vingt millions de pèlerins à Karbala, n’est pas seulement la plus grande marche pacifique au monde, mais surtout une manifestation spirituelle dont le message transcende les frontières. Selon lui, le cœur de l’événement réside dans la fidélité à l’exemple de l’imam Hussein, qui incarne la lutte pour la vérité, la justice et la dignité humaine.

Pour le professeur Takim, la singularité de l’Arbaïn par rapport à d’autres pèlerinages religieux réside dans son message moral : il ne s’agit pas seulement de dévotion, mais d’une affirmation collective que la victoire véritable est éthique et non matérielle. L’imam Hussein, dit-il, a montré que même face à une défaite militaire apparente, la défense de la vérité et du droit demeure une victoire éternelle. Cette dimension spirituelle, illustrée par les prières et la dévotion de l’imam jusqu’aux derniers instants de Karbala, confère à l’Arbaïn une portée universelle.

L’événement joue également un rôle unificateur majeur pour la communauté chiite mondiale. Des fidèles venus de dizaines de pays convergent en Irak, partageant non seulement la mémoire du sacrifice de l’imam Hussein, mais aussi une expérience d’échanges spirituels et culturels. Au-delà des différences de langues et de traditions, l’Arbaïn devient un lieu de fraternité et de solidarité, cimenté par l’amour de l’imam et des valeurs qu’il incarne.

Cependant, Takim regrette que ce rassemblement soit peu relayé par les médias internationaux. Il attribue ce silence en partie au manque d’initiatives des chiites eux-mêmes pour faire connaître la portée de l’événement et plaide pour une utilisation plus stratégique des réseaux sociaux et des médias afin de mieux expliquer la signification de Karbala et de l’Arbaïn.

Le professeur insiste aussi sur l’importance de l’hospitalité des Irakiens durant le pèlerinage, symbolisée par les milliers de « mawakib » offrant nourriture, soins et logement gratuits. Cette générosité, dit-il, reflète les principes fondamentaux du chiisme : sacrifice, compassion et service désintéressé. Elle incarne une spiritualité vécue qui transcende les simples rites pour devenir un modèle éthique applicable à la vie quotidienne.

Enfin, Takim estime que l’Arbaïn peut être lu comme une réponse aux injustices contemporaines, citant notamment la cause palestinienne. Le message de Karbala reste d’actualité : ne jamais se taire face à l’oppression. Il considère que ce récit peut également nourrir un dialogue interreligieux fécond, car les valeurs défendues par l’imam Hussein, justice, dignité et liberté, dépassent les clivages confessionnels et parlent à toute l’humanité. Pour lui, transmettre cette mémoire n’est pas seulement un devoir religieux, mais un impératif moral et universel.

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