Selon un rapport d'Al Jazeera, ces figures religieuses ont progressivement consolidé leur influence en Palestine occupée, façonnant le devenir politique et religieux d'Israël.
En mars 2024, le rabbin Eliyahu Mali, dirigeant de l’école religieuse Shirat Moshe à Jaffa, a lancé un appel choquant : l’extermination de tous les habitants de Gaza, y compris femmes et enfants, justifiée selon lui par des principes religieux juifs. Il a qualifié la guerre contre Gaza de « guerre sainte », affirmant qu’aucun habitant ne devait y survivre.
De telles déclarations illustrent comment, en plus d’un siècle, une frange extrémiste du rabbinat a évolué pour devenir une force politique décisive au sein du régime israélien. Les rabbins nationalistes religieux ont su exploiter les mouvements sionistes laïcs pour faire avancer leur agenda.
Aujourd'hui encore, ce courant religieux radical façonne profondément les orientations politiques d’Israël, renforçant l'alliance entre religion et pouvoir militaire. L'histoire montre ainsi comment un leadership spirituel s’est transformé en une influence stratégique majeure.
Rabbin Eliyahu Mali
L'exploitation du sionisme laïc par le sionisme religieux
À la fin du XIXᵉ siècle, sous la pression croissante exercée sur les Juifs en Europe, des rabbins influents ont initié des mouvements intellectuels destinés à inspirer la recherche d’un refuge et à imaginer un avenir nouveau. Figures majeures de cette dynamique, Zvi Hirsch Kalischer, Yehuda Alkalai et Moshe Hess ont œuvré à reconstruire l’identité juive face aux défis de l’époque.
Zvi Hirsch Kalischer
Zvi Hirsch Kalischer (1795-1874), rabbin orthodoxe allemand, précéda Théodore Herzl en prônant l’installation des Juifs en Palestine. Pour Kalischer, cette migration n'était pas seulement une nécessité pratique, mais une obligation spirituelle liée à l’accomplissement de la mission divine.
Kalischer établit un pont entre principes religieux et ambitions laïques du sionisme naissant. Cette approche hybride inspira des figures comme Moshe Hess et les « Amants de Sion », influencés par des doctrines messianiques.
Refusant d’attendre l'arrivée du Messie, ces militants prônèrent la création immédiate d’un État juif par des moyens politiques et militaires, marquant une rupture avec l’attentisme traditionnel.
Rabbin Yitzhak Yaakov Reines
En 1898, le parti Mizrahi, premier mouvement sioniste religieux, vit le jour sous l’impulsion du rabbin Yitzhak Yaakov Reines. Ce courant rejeta l’attente messianique au profit d’une action politique directe pour établir un État juif.
L'émergence du sionisme religieux en Europe de l'Est
Au XIXᵉ siècle, en Europe de l'Est, les traditions orthodoxes juives associaient le retour en Terre promise à l’avènement du Messie. Face à cette attente, un sionisme religieux modéré émergea, visant à concilier foi religieuse et ambitions sionistes.
Ce mouvement s’appuya sur les notions de « peuple élu » et de « Terre promise », fortement influencé par le rabbin Abraham Kook, considéré comme le père spirituel du sionisme religieux. Kook liait l’installation juive en Palestine à la repentance collective et au salut divin.
Aux côtés de figures comme Yitzhak Yaakov Reines, Kook affirmait qu’un juif pouvait être à la fois croyant et sioniste, sans réduire le sionisme à une dimension strictement religieuse.
Kook défendit l'idée que les sionistes laïcs agissaient en tant qu'instruments de la volonté divine, contribuant ainsi aux grandes vagues migratoires juives vers la Palestine avant la création d'Israël.
Rabbin Zvi Cook
Le sionisme religieux sous l'ombre de l'État d'Israël
Après la fondation d'Israël, le sionisme religieux a gagné en influence en intégrant des institutions officielles telles que le Grand Conseil des rabbins, le ministère des Affaires religieuses et l'armée. Chaque ville ou colonie possédait son propre rabbin, et chaque institution militaire avait également un rabbin attitré.
Initialement réticents à servir dans l'armée pour des raisons religieuses, les Juifs religieux ont progressivement intégré la structure militaire, en particulier après 1965, lorsque le rabbin Zvi Cook a qualifié le service militaire de devoir religieux. Cette évolution a permis la combinaison de l’enseignement de la Torah et de la formation militaire dans des écoles spéciales, facilitant ainsi l’intégration des Juifs religieux dans la société israélienne.
La guerre de 1967, qui a conduit à l’occupation de Jérusalem, Hébron et d'autres territoires, a marqué un tournant décisif. Le rabbin Zvi Cook a considéré cette victoire comme une réalisation divine, renforçant l’idéologie des colonies israéliennes. Après 1974, le mouvement « Gush Emunim » a émergé, soulignant la nécessité de la colonisation des territoires occupés pour accomplir la vision religieuse. Ce mouvement a été soutenu par des personnalités politiques, notamment Ariel Sharon.