Selon alkhaleejonline, Jannat Adnan Ahmad, une calligraphe originaire de Mossoul, en Irak, a su développer un style singulier alliant versets coraniques, formes géographiques et esthétiques visuelles uniques.
Née en 1965, elle vit aujourd’hui en Nouvelle-Zélande, mais son art reste profondément enraciné dans son identité arabe et dans les souvenirs de sa ville natale.
Grâce à un talent rare et une détermination sans faille, elle a fait de la calligraphie un langage universel pour célébrer la foi, la culture et l’unité des peuples arabes.
Un parcours exceptionnel dès l’enfance
Dès son plus jeune âge, Jannat Adnan nourrit une passion ardente pour l’écriture arabe. Dans la maison familiale, son père – grand amateur de calligraphie – avait rassemblé des œuvres de maîtres célèbres, comme Hamed al-Amadi, ce qui éveilla sa vocation.
Avant l’âge de dix ans, la jeune fille avait déjà reçu plusieurs certificats officiels en calligraphie, devenant l’une des plus jeunes calligraphes femmes au monde. Son talent particulier consistait à écrire simultanément avec les deux mains, un don rare qui impressionnait ses maîtres.
Elle étudia notamment les styles thuluth et naskh auprès de calligraphes irakiens reconnus, tels que Youssef Dhannoun. Son assiduité et son génie lui permirent d’obtenir à seulement 14 ans une licence officielle de la part du maître turc Hamed al-Amadi, alors référence incontestée de la calligraphie arabe.
Son père l’accompagna ensuite au Caire où elle rencontra Sayyed Ibrahim, cheikh des calligraphes arabes, qui lui remit un certificat prestigieux après l’avoir soumise à des épreuves rigoureuses.
Jannat Adnan se distingue non seulement par sa virtuosité technique, mais aussi par sa conception de l’art calligraphique. Selon elle, la simple maîtrise des règles d’écriture ne suffit pas : il faut également savoir harmoniser les mots, les formes et la composition pour donner naissance à des œuvres porteuses de sens et de beauté. C’est cette vision qui l’a conduite à explorer de nouvelles voies artistiques.
La géographie des lignes et le message spirituel
Parmi les créations les plus originales de Jannat Adnan figure son projet intitulé La géographie des lignes. Dans ce travail, elle dessine les cartes de pays arabes à l’aide de versets coraniques et d’écritures calligraphiques. Chaque pays est représenté par une sourate ou un verset choisi avec soin pour correspondre à son histoire ou à son identité.
Ainsi, elle a représenté la carte de Mossoul en écrivant la célèbre invocation du prophète Younès : « La ilaha illa anta subhanaka inni kuntu min al-zalimin » (Il n’y a de divinité que Toi, gloire à Toi ! J’ai été du nombre des injustes). Elle a également calligraphié l’Ayat al-Kursi sous la forme du minaret al-Hadba, symbole de la ville détruit par la guerre.
Pour l’Irak, elle a choisi le verset : « Rabbi inni massani al-durr wa anta arham al-rahimin » (Seigneur, le malheur m’a touché, et Tu es le plus miséricordieux des miséricordieux).
Sur la carte de la Syrie, elle a inscrit : « Wa jazahum bima sabaru jannatan wa harira » (Et pour les récompenser de leur patience, Il leur accorda le Paradis et la soie). La Palestine, quant à elle, est associée à la supplication : « Rabbana afrigh ‘alayna sabran wa thabbit aqdamana wa ansurna ‘ala al-qawm al-kafirin » (Seigneur, verse sur nous la patience, affermis nos pas et accorde-nous la victoire sur les mécréants). Même le Qatar a trouvé place dans ses œuvres, avec l’inscription : « Qatar restera libre par l’esprit de ses fidèles ».
Par ce travail, l’artiste entend délivrer un message clair : appeler les Arabes à l’unité, à l’amour de leur terre et à la fidélité envers leur foi. Elle considère que son art n’est pas seulement esthétique, mais qu’il doit aussi véhiculer une dimension spirituelle et sociale.
Marquée par les guerres et les destructions qui ont touché sa ville natale, Jannat Adnan exprime également à travers ses œuvres la douleur d’un pays meurtri et l’espérance d’un avenir meilleur.
Elle rêve de revenir un jour à Mossoul pour participer à la reconstruction des mosquées et des marchés anciens, en les ornant de calligraphies. Selon elle, la calligraphie peut devenir un instrument de mémoire et de renaissance culturelle.
Un art comme langage universel
L’œuvre de Jannat Adnan se situe à la croisée de la tradition et de l’innovation. En maîtrisant les styles les plus complexes – comme le thuluth jali et le tughra – elle s’inscrit dans une lignée prestigieuse de calligraphes arabes. Mais son apport personnel réside dans l’intégration de la géographie, de la spiritualité et de l’histoire au cœur de ses créations.
Son projet La géographie des lignes illustre parfaitement cette ambition : transformer les cartes en toiles calligraphiques où le Coran dialogue avec la mémoire des peuples. Pour elle, la calligraphie est une manière de résister à l’oubli, de préserver l’identité arabe et de transmettre un message universel d’espérance.
Aujourd’hui installée en Nouvelle-Zélande, elle continue de travailler sur de nouvelles œuvres, mais son cœur demeure attaché à Mossoul. Son rêve est clair : revenir dans sa ville natale et contribuer à son renouveau, en embellissant ses monuments par son art. À travers ses créations, Jannat Adnan rappelle que la calligraphie n’est pas seulement une écriture sacrée, mais aussi un langage visuel capable de relier foi, mémoire et culture dans un même élan de beauté.