André du Ryer, premier traducteur de "L’Alcoran de Mahomet"

12:23 - May 11, 2025
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IQNA-Traduire un texte religieux surtout le Coran est une tâche difficile, mais André du Ryer, est le premier diplomate orientaliste qui décidé de traduire le livre saint de l'islam, directement de l'arabe en français.

André du Ryer, premier traducteur deNé vers 1580 à Marcigny, André du Ryer fut un diplomate, orientaliste et traducteur français d’exception. Fils de Christophe du Ryer, maître des requêtes de Catherine de Médicis, il mena une carrière diplomatique en Orient, notamment à Constantinople et Alexandrie. De retour en France vers 1630, il devient secrétaire interprète du roi Louis XIII pour les langues orientales.

Du Ryer joue un rôle clé dans les relations franco-persanes et rencontre le sultan ottoman Murat IV en 1632. Il est surtout connu pour ses travaux de traduction : Gulistan de Saadi en 1634, puis L’Alcoran de Mahomet en 1647, première traduction intégrale du Coran en langue européenne. Malgré sa censure par le conseil de Conscience, cette œuvre marque un tournant dans la connaissance de l’islam en Europe.

Du Ryer meurt en 1660 ou 1672, laissant un héritage fondamental à l’histoire des études orientales.

L'oeuvre de Du Ryer
Vers 1630, André du Ryer, de retour en Bourgogne, entreprend deux travaux majeurs : un dictionnaire turc-latin, resté manuscrit, et la première traduction intégrale du Coran en français, L’Alcoran de Mahomet, publiée en 1647. S’il rédige loin de Paris, Du Ryer s’appuie sur un solide réseau d’orientalistes, comme Gilbert Gaulmin ou Gabriel Sionita, et surtout sur des manuscrits rares d’exégèse musulmane, tels que les commentaires d’Al-Bayḍāwī, Al-Rāzī ou Al-Suyūṭī. Il fait ainsi apparaître, pour la première fois en Europe, le rôle fondamental de l’interprétation dans la lecture du texte coranique.

L’ouvrage est imprimé par Antoine de Sommaville et offert au chancelier Pierre Séguier. Mais il suscite rapidement des résistances : l’épître dédicatoire est retirée, et Vincent de Paul en demande l’interdiction. Soumis au Conseil de conscience, L’Alcoran de Mahomet est finalement censuré. Pourtant, l’ouvrage circule clandestinement, gagnant même en prestige. Dans un climat de méfiance envers les études orientales, Du Ryer prend soin d’afficher sa distance avec l’islam, tout en permettant aux lecteurs français de découvrir un texte fondamental et méconnu.

 Une initiative courageuse
Pour Asmaa Aoujil qui a travaillé sur la traduction de Du Ryer comme thèse de doctorat, traduire un texte religieux est toujours une tâche difficile. Cela l’est encore plus lorsqu’il s’agit du Coran, souvent considéré comme intraduisible. Pourtant, au XVIIe siècle, André Du Ryer réalise la première traduction française du Coran, intitulée L'Alcoran de Mahomet (1647), directement à partir de l’arabe. Jusqu’alors, seules des traductions latines étaient disponibles en Occident.

Cette initiative est novatrice et courageuse, d’autant plus qu’à l’époque, de nombreux préjugés entravent une compréhension objective de l’islam. Bien que Du Ryer aborde le texte avec un regard critique, il espère que les lecteurs chrétiens y trouveront un enrichissement intellectuel et spirituel. Sa traduction marque ainsi une rupture nette avec l’héritage médiéval. Par son projet et par ses choix linguistiques, Du Ryer fait du français classique un instrument au service d’un texte à la fois complexe et fascinant. Son travail s’inscrit pleinement dans les idéaux humanistes de son temps.

Cette étude propose d’analyser concrètement les procédés linguistiques employés par Du Ryer, afin de mieux comprendre ses intentions. Elle cherche aussi à faire émerger, en filigrane, l’image nouvelle qu’il donne du musulman, de l’islam, de son prophète et de son livre sacré. 

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André du Ryer, premier traducteur deUne traduction imparfaite, mais fondatrice

Malgré ses imperfections, la traduction du Coran par André du Ryer marque une étape décisive dans la réception du texte en Europe. Certaines erreurs sont manifestes : ainsi, le verset « qui attaquent au matin » (sourate 100:3) devient chez lui « qui courent légèrement par jalousie », confusion entre les mots arabes muġīra (assaillant) et ġayra (jalousie). D’autres écarts concernent la structure même du texte : Du Ryer supprime parfois de longues répétitions, qu’il juge probablement inadaptées à la sensibilité littéraire française du XVIIe siècle.

Pourtant, son approche témoigne d’un effort philologique inédit. Il évite les réarrangements fréquents dans les traductions latines ou italiennes précédentes, et conserve la structure du texte arabe en ponctuant subtilement à chaque verset. Ses annotations, sobres et précises, contrastent avec le ton polémique d’un Bibliander(1). Certaines de ses interprétations discutables – comme « démons » pour « esprits » (sourate 72) – peuvent s’expliquer par le souci d’éviter la censure.

Si les critiques modernes relèvent ses manques, replacée dans son contexte, la version de Du Ryer apparaît comme un compromis entre rigueur philologique, adaptation culturelle et prudence éditoriale. Elle a ouvert une voie que les traductions ultérieures n’ont fait qu’approfondir.

1.Theodor Buchmann ou Theodor Bibliander est un théologien réformé, bibliste, philologue, humaniste et orientaliste suisse.

Par Sara Hamidi

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