Cette guerre a mis à nu la nature maléfique d’Israël
Le droit à la légitime défense est reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations unies. La réaction militaire iranienne respecte donc le droit international. Cependant, Israël continue de commettre des crimes contre les Palestiniens, sans aucune sanction.
Selon les enseignements coraniques, la riposte à l’agression est un droit légitime : « Quiconque vous attaque, attaquez-le en représailles dans la même mesure » (Coran, 2:194). De même, le verset 123 de la sourate At-Tawbah appelle les croyants à se montrer fermes face aux agresseurs proches.
Les condamnations des institutions islamiques comme l’OCI ou la Ligue arabe, restent symboliques, sans mesures concrètes ni actions dissuasives. En l’absence de sanctions ou de mécanismes contraignants, elles peinent à influencer la réalité. Pourtant, selon le Coran, « Dieu nous suffit, Il est le meilleur garant » (Coran, 3:173) – un appel à la foi et à la résistance.
Dans ce même cadre, IQNA a interviewé Leila Mazboudi, rédactrice en chef de la section en français d'Al Manar, organe du Hezbollah libanais.
IQNA-Comment la réponse de l’Iran à l’agression du régime occupant israélien est-elle évaluée du point de vue des enseignements islamiques et coraniques ?
Leila Mazboudi : Dans cette offensive lancée par l’ennemi israélien, la riposte de la République islamique s’inscrit dans la légitime défense. De point de vue jurisprudence islamique, elle est indubitablement dans son plein droit. Les versets coraniques abondent sur la nécessité de se défendre contre les ennemis et de se préparer pour le faire. Cette préparation est d’autant plus nécessaire que l’entité sioniste est en état d’animosité structurelle contre le monde arabe et islamique.
Aucun doute ne peut planer sur l’exigence et la nécessité des peuples de se prémunir contre cette entité belliqueuse. Depuis son implantation, elle a mené au moins 5 guerres au cours desquelles elle a occupé des territoires palestiniens, syriens, égyptiens, jordaniens, libanais.
La dernière, celle que nous vivons actuellement depuis le 7 octobre 2023, est la plus longue, la plus sanguinaire et la plus ramifiée. C’est la même, à commencer par Gaza, et la Cisjordanie, puis le Liban, la Syrie, sans oublier le Yémen et enfin l’Iran. La menace persiste toujours.
La riposte à l’agression du régime israélien, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies et au droit à la légitime défense, est un droit légitime et légal pour la République islamique d’Iran. Quelle est votre analyse à ce sujet ?
Hélas, l’entité sioniste n’a jamais respecté ni la charte de l’ONU, ni les résolutions de son Conseil de sécurité ni le droit international. Elle a poursuivi sa politique de colonisation, elle a commis des massacres, à leur insu, en toute impunité.
Cette dernière guerre depuis le 7 octobre 2023 en est une preuve des plus éclatantes. Avec l’aide des USA et des pays occidentaux, Israël sape tout ce que le droit international a édifié au XXe siècle. Sachant que ce système avait été établi par eux. Ce qui illustre leur schizophrénie. Israël assume une bonne responsabilité dans cette infraction endémique.
Cette guerre a certes mis à nu la nature maléfique d’Israël, devant l’opinion publique mondiale, devant les instances internationales dont la CPI et la CIJ, devant des organisations non gouvernementales.
Pour la première fois, il est plus que jamais dans le banc de accusés. Ce qui ne l’empêche pas de persévérer avec la complicité des puissances occidentales à leur tête les USA qui confisquent les instances internationales et empêchent toute action de sanctions contre l’entité.
Selon vous, quel est le devoir des peuples libres du monde et des pays islamiques face à l’agression du régime occupant contre le territoire iranien ?
Ils doivent être conscients que la menace israélienne est réelle, qu’elle les concerne tous, que leur tour viendra, que chacun de ces peuples, qu’ils soient islamiques ou non islamiques, est sous la menace de la tyrannie israélienne arrogante qui se croit au-dessus des lois, au-dessus des autres peuples et Etats. Cette prise de conscience est de plus en plus perceptible.
Ces peuples doivent s’organiser pour poursuivre la lutte contre cette entité par tous les moyens, juridiques, politiques, médiatiques, tout en se préparant à contrer ses offensives militaires sanguinaires. Tout en contrant ses tentatives de les infiltrer et de les détruire de l’intérieur par des agents locaux prêts à lui vendre leur âme.
Ils doivent être prudents avec les gouvernements occidentaux, voire même les organisations internationales qui œuvrent d’arrache-pied pour les intérêts israéliens, considérés comme supérieurs à ceux des autres peuples. Nous avons lu les propos du chancelier allemand selon lequel « Israël fait le sale boulot pour nous ».
Mêmes les peuples européens devraient être vigilants, car leur système démocratique, leur liberté et leur quête de justice acquis par des décennies de lutte sont menacés par l’hégémonie sioniste relayée par les lobbys pour imposer sa version des faits, pour imposer son soutien en corrompant la vie politique, pour imposer la collaboration avec l’entité dans tous les domaines. Une partie de ces peuples en est de plus en plus consciente d’ailleurs.
Le projet sioniste est une menace pour le monde entier, pour tous les peuples du monde. On constate que cette guerre le lui a révélé.
Comme vous le savez, le régime israélien a franchi les lignes rouges du droit international en attaquant les installations nucléaires iraniennes, commettant ainsi un nouveau crime. Quel est, à ce sujet, la responsabilité des instances internationales et régionales concernées ?
Le régime israélien franchit toujours les lignes rouges du droit international en toute impunité. Il sape de la sorte la crédibilité des instances internationales, plus que jamais. L’attaque contre les installations nucléaires iraniennes et la guerre israélienne génocidaire contre les Palestiniens et ses guerres et massacres sur tous les autres fronts, a profondément affaibli le pouvoir de ces instances, le bien-fondé de leur existence, tant elles ont été incapables de dissuader Israël, de le stopper. Si ce n’est que parfois, ces instances se prononcent en faveur de l’entité sioniste et lui fournissent le justificatif comme cela s’est passé avec l’AIEA.
Le gouvernement iranien a dit vouloir porter plainte contre l’AIEA qui a livré un rapport suspect sur le programme nucléaire iranienne, laissant entendre qu’il pourrait avoir des visées militaires et ce quelques heures avant le lancement de l’offensive israélienne le 13 juin. Nous avons vu comment Rafael Grossi a dû se rétracter par la suite en disant qu’il n’a pas de preuve.
Ceci nous montre comment ces responsables manipulent les organisations pour des fins politiques pro israéliennes.
Quoique je ne pense pas qu’une poursuite contre Grossi puisse aboutir à une quelconque condamnation -au maximum, il serait remplacé pour donner un faux-semblant de justice, mais cette démarche devrait être poursuivie pour dévoiler les failles de ce système.
L’Iran pourrait à ce niveau tenter d’œuvrer de concert avec d’autres nations et gouvernements pour dévoiler les failles du système qui régit ces instances et qui permettent leur confiscation et leur détournement. Elles ont certes besoin d’un grand remaniement. Faute de quoi, ce serait utile de procéder à la création d’un système alternatif, en parallèle. De concert avec la Russie, la Chine et d’autres pays…
Quelle est la responsabilité des organisations et institutions islamiques et internationales, telles que l’Organisation de la coopération islamique et la Ligue arabe, dans la condamnation des crimes barbares du régime israélien dans le contexte actuel ?
Leur responsabilité est grande. Mais leur efficacité est nulle. Hélas. Elles se contentent de condamnations verbales. Elles se contentent de transférer la responsabilité à la communauté internationale sans aucune pression comme si les victimes des offensives israéliennes ne sont ni arabes ni musulmanes.
Concernant la guerre génocidaire à Gaza, on a vu l’inaction de ces organisations islamique et arabe, leur impuissance qui frise l’apathie, l’indifférence. Elle est aussi monstrueuse que les massacres israéliens. Leur contentement de positions verbales et leur inaction les rend complices.
Ces dirigeants arabes et islamiques qui forment ces instances ne sont pas conscients de la menace israélienne qui les guette eux aussi. Personne n’est à l’abri. Ils sont en état de mort clinique. Certains dirigeants européens ont eu des prises de positions plus honorables. Leur tour viendra.
Quelles sont vos prévisions concernant l’avenir de cette guerre ?
Selon les faits, cette guerre continue à grande intensité dans la bande de Gaza et en Cisjordanie dans le but d’expulser les Palestiniens. Les frappes contre ces deux régions palestiniennes n’ont à aucun moment baissé d’intensité. Les responsables israéliens ne cachent pas leur velléité de réaliser leur « Grand Israël ». La solution de l’Etat palestinien est dilapidée. Elle n’a jamais été prise aux sérieux par les différents partis israéliens, qui se sont succédés au pouvoir. Ils sont d’accord avec les Américains. Je ne suis pas sûre qu’un changement gouvernemental dans l’entité puisse pour le moment entraver l’avancement de ce projet. Une majorité écrasante d’Israéliens, toutes tendances confondues semblent lui être favorables. La mainmise des ultraorthodoxes de l’extrême-droite qui veut détruire la mosquée d’al-Aqsa pour édifier à sa place leur temple est de plus en plus forte.
Les Israéliens continuent de bombarder au Liban et en Syrie. Ils veulent pousser ces deux pays vers la normalisation. Les pressions sont exercées à plein régime.
La guerre avec l’Iran a été certes le point lumineux. Son dénouement est sans doute favorable à l’Iran. Ils n’ont pas pu ni éliminer le programme nucléaire, ni le programme balistique, ni changer le pouvoir, ni monter la population iranienne contre lui et semer la discorde. C’était les objectifs israéliens et américains. C’est un affront à Israël et aux Etats-Unis quoiqu’ils se vantent d’une victoire illusoire. Ils ont certes tué beaucoup de gens, ils ont certes détruit beaucoup en Palestine, au Liban, en Syrie, au Yémen et en Iran. Mais eux aussi ont subi des pertes énormes, pour la première fois depuis leur implantation. C’est la première fois qu’ils subissent une riposte aussi violente. C’est la première fois que leur population est, elle aussi impactée, qu’ils sont bombardés avec une telle intensité, qu’ils essuient autant de dommages et de pertes. Leur sécurité a été fortement mise à mal. On constate que des médias occidentaux essaient de minimiser leur importance mais les Israéliens en sont conscients. L’exploit réalisé par l’Iran devrait donner un nouveau lancement au front de la résistance dans la région.
Constatez aussi que les opérations de résistance dans la bande de Gaza se poursuivent malgré toutes les destructions atroces causées pendant près de deux années de guerre qui a tout ravagé, malgré l’extension de l’occupation israélienne sur les deux-tiers de ce petit territoire, malgré le peu de moyens dont dispose la résistance. C’est un exploit pour elle. La question qui se pose : les Palestiniens résisteront ils au projet de leur déplacement hors de Gaza et de Cisjordanie. Ils n’ont pas d’autre choix que de résister et de supporter les massacres infligés. Dans les faits, ils résistent encore et supportent encore.
Que pensez-vous de l’intervention des États-Unis en soutien à Israël, de leur éloignement d’une solution diplomatique et l’option militaire et le conflit armé face au dossier nucléaire iranien ?
Le soutien américain à l’entité israélienne s’inscrit dans la normalité des relations entre ces deux pays. C’est ce soutien qui accorde depuis des décennies à Israël sa supériorité militaire, le soutien des autres puissances, dont celui des régimes arabes ou islamiques, l’impunité totale quand il viole le droit international, l’impuissance des organisations internationales, …
Les dirigeants israéliens font tout pour faire perdurer ce soutien via leur lobby entre autres. Via surtout une doctrine qui consacre que les intérêts américains passent par ceux d’Israël et ne font qu’un. Leurs divergences de temps à autre sont provisoires. Nous avons vu que l’accord nucléaire PGAC n’a tenu que trois ans. Il est vrai qu’il y a aux USA des parties qui contestent cela, mais elles sont encore minoritaires et influencent peu les politiques étrangères suivies par les administrations américaines.
Dans cette guerre, la complicité américaine est activée à plein régime, depuis l’administration Biden. Le recours de l’administration Trump à l‘option militaire contre le nucléaire iranien a été dument voulu par Netanyahu. Il a eu gain de cause. Mais cette intervention a été concise et s’est clôturée par un cessez-le-feu sans réaliser ses objectifs en dépit des destructions. C’est un point sur lequel on peut miser dans l’avenir.
Le recours aux moyens diplomatiques dans ce cas, n’a pas pour objectif de parvenir à une solution concertée, qui servent les intérêts des deux protagonistes, pour s’entendre sur un compromis. Les USA ont voulu via la voie diplomatique imposer aux Iraniens leur renoncement à leur programme nucléaire, définitivement. Comme cela n’a pas marché, ils ont frappé.
Je constate après cette guerre que les responsables iraniens sont désormais très méfiants à l’égard des négociations avec les dirigeants occidentaux ou l’AIEA. Ils ont bien raison. Cette guerre de 12 jours va consacrer l’éloignement de l’Iran des Occidentaux et des systèmes organisationnels internationaux qu’ils ont érigés. Elle pourrait accélérer le processus vers la création d’un système alternatif, en parallèle. La confrontation se poursuit. A suivre.
Par Parvaneh Javan
