
Dans un entretien avec l’agence IQNA, cet historien du chiisme, auteur de plusieurs articles sur l’histoire sociale des chiites et les traditions de Ghadir, souligne la beauté des célébrations actuelles, notamment les fêtes populaires de rue, qui attirent l’attention au-delà des appartenances confessionnelles.
Il revient sur la diversité des récits concernant le nombre de personnes présentes à Ghadir. Selon lui, les chiffres varient entre 1 300 et 120 000, mais les sources antérieures au Ve siècle hégirien évoquent généralement un chiffre inférieur à 17 000. Il précise que les estimations très élevées relayées aujourd’hui dans certains discours religieux sont peu plausibles et reposent souvent sur des traditions orales évolutives.
Il observe que les premières générations musulmanes transmettaient les faits par voie orale, ce qui explique l’absence de documents historiques précis à ce sujet. Ces variations, selon lui, appellent à une étude rigoureuse, mais elles ne diminuent en rien la portée spirituelle et historique de l’événement de Ghadir.
Les chiffres de Ghadir : entre transmission orale et réalité historique
Le Dr Seyyed Jalal Emam, chercheur iranien installé à Xi’an (Chine), souligne l’importance d’un regard critique sur les chiffres liés à l’événement de Ghadir. Selon lui, la transmission orale, l’absence d’outils d’écriture précis à l’époque, et l’ambiguïté de certaines graphies arabes (comme sab‘în et tis‘în) ont contribué à la confusion des sources.
Il explique que la différence entre 1 200, 12 000 ou 120 000 participants peut résulter d’erreurs de copie ou d’interprétations symboliques : certains nombres servaient à exprimer une idée d’abondance, non une statistique exacte. Il souligne aussi l’improbabilité logistique qu’une foule de 120 000 pèlerins ait été réunie au VIIe siècle dans cette région, compte tenu des moyens disponibles.
Il remet en question une tendance historique à exagérer le nombre de témoins pour renforcer la légitimité de l’événement, ce qui, selon lui, affaiblit au contraire l’argumentation face aux critiques. Enfin, il appelle à un dialogue interreligieux sincère, basé non sur des slogans mais sur une éthique du respect mutuel et une mémoire partagée.
D’un héritage religieux à un message universel
Le chercheur Seyyed Jalal Emam souligne que le message fondamental de Ghadir – « Nous sommes les partisans d’Ali(AS) » – constitue un manifeste éthique du chiisme moderne, fondé sur la justice, la loyauté, la bienveillance et la foi. Il estime qu’un tel message est universel et rassembleur, et qu’aucun musulman ne peut s’y opposer.
Selon lui, les célébrations contemporaines de Ghadir, comme les fêtes de rue et les repas collectifs, peuvent être des outils puissants pour faire rayonner la figure d’Ali(AS) comme symbole de justice. Mais cet impact positif n’est possible que si l’événement est inclusif, respectueux, et exempt de toute attaque contre d’autres courants religieux. « Si la fête de Ghadir devient un prétexte à l’insulte, elle perd toute sa valeur », affirme-t-il.
Il appelle à une approche tous azimuts (ou holistique), qui consiste à promouvoir les idéaux d’Ali(AS) tout en évitant la provocation ou la haine. Il rappelle enfin que la diversité des croyances, comme celle des fleurs dans la nature, est une volonté divine. Ce sont souvent des groupes extrémistes et sectaires qui compromettent la coexistence. Pour lui, un Ghadir bien compris peut dépasser le cadre confessionnel et devenir un repère de spiritualité et de fraternité pour l’humanité tout entière.
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