Le professeur John Andrew Morrow est un métis canadien-français. Il s’est converti à l’islam à l’âge de seize ans adoptant le nom Ilyas ‘Abd al-‘Alim Islam. Il a reçu son doctorat de l’université de Toronto ou il s’est concentré en études hispaniques, autochtones, et islamiques. En plus, il a complété plus de quarante ans d’études islamiques de façon indépendante et sous la direction de savants sunnites, soufies, et chiites. Il est auteur de centaines d’articles et d’une trentaine de livres académiques, y compris : Arabic, Islam, and the Allah Lexicon (2010), The Encyclopedia of Islamic Herbal Medicine (2011), Islamic Insights (2012), Religion and Revolution (2012), Islamic Images and Ideas (2013), The Covenants of the Prophet Muhammad with the Christians of the World (2013), The Words of God to the Prophet Muhammad (2015), Restoring the Balance: Using the Qur’an and the Sunnah to Guide a Return to the Prophet’s Islam (2016), Islam and the People of the Book (2017), Finding W.D. Fard: Unveiling the Identity of the Founder of the Nation of Islam (2019), The Most Controversial Qur’anic Verse: Why 4:34 Does Not Promote Violence Against Women (2020), Shi’ism in the Maghrib and al-Andalus (2020), The Messenger of Mercy (2021), Islam & Slavery (2023), and Hijab: Word of God or Word of Man? (2024). Son site web est : www.johnandrewmorrow.org. On peut écouter ses discours sur la station intitulée de YouTube est la suivante: https://www.youtube.com/channel/UCqM3-puvWuKuCEJsDQDZFrA
A l'occasion des récentes évolutions en Syrie et dans la région du Moyen Orient, nous avons interviewé M. le professeur Morrow sur les raisons et les conséquences de la chute du gouvernement Assad en Syrie et dans la région.
Après une longue période de détente en Syrie, nous avons été témoins d'un mouvement inattendu, ce qui a abouti à la chute d'Assad en 11 jours. Qu'est-ce que vous en pensez ?
La situation semblait stable mais c’était le calme avant la tempête. La blitzkrieg a pris beaucoup par surprise mais une analyse sur le sol indiquait que le statu quo était insoutenable à long terme.
Assad l'a frôlé belle. Le fait qu’il ait survécu à la guerre civile de 2011 à 2019 est miraculeux. Sans l’aide de la Russie et de l’Iran il aurait certainement fini crucifié par les terroristes wahhabites.
Il y a un an, Erdoğan demandait à Assad de prendre des mesures pour assurer le retour des millions de réfugiés syriens qui accablent la Turquie. Assad a refusé d’accepter le retour des terroristes wahhabites.
La décision a été prise par la Turquie de bouleverser son régime une fois pour toute. Faible, ébranlée, et démoralisée, l’armée syrienne n’avait pas l’estomac de défendre Assad, l’homme qui avait coupé le salaire de ses soldats de l’équivalent de soixante dollars américains par mois à une prime mensuelle de trente dollars.
Sans le sou, et sans de rations, les soldats manquaient de motivation. Ils ont quitté le champ de bataille et rendu leurs armes. Ils ont décidé de prendre leurs chances en laissant les rebelles prendre le pouvoir. Comparé au terrorisme wahhabite de Daesh, Assad était longuement considéré comme la meilleure option. Les Syriens ont décidé de prendre leurs chances avec les wahhabites. Nous verrons bientôt s’ils ont pris la bonne décision. C’est une sorte de roulette russe. Ils risquent de se faire sauter la tête.
Quel a été le rôle des pays occidentaux, celui de la Turquie et d'Israël dans ces événements ?
A qui la faute quand ça vient à la chute d’Assad ? Tel Aviv, Washington, et Ankara, bien sûr. Mais, aussi, c’est la faute d’Assad. Il a mal joué ses cartes. Même les Russes, les Iraniens, et le Hezbollah libanais n’ont pas pu lui venir en aide pour de nombreuses raisons complexes. Après tout, le Hezbollah a souffert la perte de ses chefs lors de bombardement sionistes ; le forçant à conclure un accord de cessez-le-feu avec Israël; la guerre en Ukraine a épuisé la Russie ; et l’Iran ne veut pas risquer un conflit régional ou global. Il refuse de tomber dans le piège qu’on lui pose.
Après la chute d'Assad, Israël a occupé une partie du sol syrien. Comment évaluez-vous cette démarche au niveau du droit international ?
Rien, il me semble, n’a été improvisé. Tout, il me semble, a été planifié méticuleusement par les Israéliens, les Turcs, et les Américains. Selon certaines sources, le Hamas a été créé par la Mossad pour affaiblir l’Organisation de libération de la Palestine, et diviser le peuple palestinien.
Face au Hamas, qui refuse de reconnaître l'État d’Israël, et qui s’oppose à la solution à deux États, la seule option c’est l’occupation, le conflit, et la guerre. Pas de négociations. Pas de diplomatie. Pas de paix.
Selon certains analystes, l’attaque du 7 octobre de 2023 était l’action la plus idiote imaginable d’un point de vue militaire et politique. C’était un suicide collectif imposé par Hamas sur le peuple palestinien. Les résultats le démontrent. Plus de 45,000 morts. A qui la faute ? A Israël. Et au Hamas aussi qui a donné le prétexte pour ce massacre génocidaire.
Quels étaient les objectifs de cette opération ? Provoquer la destruction de Gaza. Expulser les Palestiniens de leurs terres. Détruire la possibilité d’une solution à deux États. Liquider l’axe de la résistance en Palestine, au Liban, en Syrie, en Irak, et au Yémen. Saisir une partie du territoire syrien, en violation du droit international, pour assurer leur sécurité.
Pour quel objectif final ? Pour viser l’Iran. Attaquer la République Islamique directement était trop dangereux. Le croissant chiite couvrait la région. Il fallait la démanteler avant de s’en prendre à l’Iran elle-même.
La prochaine cible ? Le programme nucléaire de l’Iran. Le but ultime ? La chute de la République Islamique de l’Iran et l’établissement d’un gouvernement laïque, libéral, démocratique, capitaliste et pro-occidental.
Face aux actions et inactions de l’Iran face au génocide à Gaza, les bombardements des membres de l’axe de la résistance dans la région, et le bouleversement du gouvernement en Syrie, les analystes sionistes et occidentaux prétendent, à leur tort, que l’Iran n’est pas en mesure de se défendre d’une attaque contre ses installations nucléaires et contre le régime lui-même. Selon eux, ce n’est question de temps avant que la République Islamique se désintègre.
Le gouvernement de transition en Syrie cherche à obtenir de la légitimité en adressant des messages aux pays de la région. Ces efforts pourront-ils aboutir ?
Il est fort possible car les pays de la région les soutiennent et les ont toujours soutenus ouvertement ou sous les coulisses. Qui sont les maîtres des wahhabites terroristes ? L’Amérique. L’Israël. La Turquie. L’Arabie Saoudite. Les Émirats Arabes Unis. Le Qatar. Les terroristes salafistes sont tous des mercenaires et des pions des impérialistes. Ils ne font que suivre leurs ordres.
Le Hamas, le Jihad Islamique, le Hezbollah, les milices chiites irakiennes, les houthies, et même le gouvernement syrien, étaient tous soutenus par l’Iran. Ils pensaient qu’ils avaient la protection de la Russie mais Poutine les a tous abandonnés.
Si Assad ne pouvait pas compter sur les Russes pour protéger la Syrie, est-ce que l’Iran peut compter sur la Russie pour la protéger ? Qui pense cela, rêve en couleurs. Quand ça vient à la résistance contre l’impérialisme occidental, l’Iran est le dernier debout. Il est le dernier des Mohicans.
Quel est votre avis sur l'avenir de la résistance dans la région après les événements de l'année 2024?
L’avenir est sombre pour ceux qui croyaient créer un monde nouveau. Si la résistance n’est pas morte, il semble, au moment, qu’elle est mourante. Et si elle n’est pas morte, elle n’est pas forte. Selon la science, ce qui n'évolue pas meurt. Si le mouvement islamique veut survivre, il doit s’adapter aux conditions nouvelles. L’arbre souple et flexible bouge avec le vent. L’arbre rigide et inflexible est déraciné par la tempête.
Le féodalisme a échoué ; le fascisme aussi. Il en va de même pour le socialisme et le communisme. Le succès de la démocratie est très limité. Elle n’a pas réussi à s’enraciner dans de nombreuses cultures qui ont une longue tradition d’autoritarisme.
L’islamisme, comme idéologie politique et économique, a été un échec mondial. En minorité ou en majorité, au pouvoir ou hors pouvoir, les résultats ont été affreux en Algérie, en Égypte, en Palestine, au Liban, en Irak, au Yémen, au Nigeria, en Somalie, au Soudan, à Mindanao, à Aceh, en Afghanistan, et ailleurs.
Pour de nombreux musulmans, chiites autant que sunnite, l’Iran est le dernier modèle et le dernier espoir. Selon les critiques de l’islam politique, si la République Islamique tombe, ça serait le dernier clou dans le cercueil d’une idéologie ratée.
Les décisions que les leaders iraniens prennent dans les jours, mois, et années à venir vont déterminer l’avenir, non seulement de l’Iran, mais de l’Islam comme puissance politique dans le monde.
Veuillez noter que le contenu reflète les opinions du chercheur et ne représente pas les points de vue de l'Agence Internationale de presse coranique (IQNA).
Par Parvaneh Javan