Témoins d’une mémoire collective, ils sont à la fois des sources scientifiques, culturelles et historiques, comme l’évoque Waciny Laredj dans "La Maison andalouse". Certains ont été offerts aux bibliothèques universitaires, d’autres découverts lors de travaux. Ils ont parfois été volés, d’où l’urgence de leur conservation. Aujourd’hui, chercheurs et institutions s’efforcent de les restaurer et de les numériser afin de les préserver et de les rendre accessibles, consolidant ainsi une part essentielle de l’identité nationale algérienne.
Les manuscrits, témoins millénaires de la civilisation
Dans de nombreux pays, les manuscrits constituent un pan essentiel de l’héritage des civilisations. Reflets des pensées, découvertes et savoirs, ils incarnent la grandeur d’époques florissantes.
La ville de Cirta (Constantine), à l’image des grands centres historiques, conserve des manuscrits précieux, dont certains remontent à plus de 1 400 ans. Ces écrits couvrent des domaines variés — médecine, art, jurisprudence, grammaire arabe, exégèse coranique — et sont préservés dans les mosquées, universités et centres culturels. Provenant de dons ou d’achats auprès de familles détentrices, ils demeurent un trésor vivant de la mémoire savante du monde islamique.
L’université Emir Abdelkader, gardienne du patrimoine manuscrit
L’Université des sciences humaines Emir Abdelkader joue un rôle central dans la préservation des manuscrits anciens. Depuis la création de sa bibliothèque en 1984, près de 100 manuscrits traitant de diverses disciplines lui ont été confiés. En décembre 2011, un laboratoire dédié à l’archivage et à la numérisation a vu le jour, garantissant un accès scientifique durable à ces œuvres précieuses.
Ce laboratoire abrite un grand nombre de manuscrits rédigés par des érudits algériens, dans des domaines variés comme la philosophie, la médecine, l’histoire, la littérature arabe, la poésie ou encore le droit malikite et les sciences religieuses.
La bibliothèque respecte les normes internationales en matière de conservation – lumière, ventilation, humidité – et peut accueillir plus de 1082 volumes, soigneusement entreposés dans des rayonnages métalliques. Le manuscrit le plus ancien date de l’an 595 de l’hégire et traite de la grammaire arabe.
Un trésor enfoui par négligence
Le directeur de la bibliothèque de l’Université Emir Abdelkader a révélé que plusieurs dépôts de manuscrits restent inaccessibles au public. Certaines familles refusent de partager ces documents, malgré leur importance scientifique et religieuse, préférant les conserver dans de simples boîtes, exposés à l’humidité et aux insectes, plutôt que de les confier gratuitement à des institutions spécialisées.
Pour lutter contre cette négligence, le chercheur Sedous multiplie les appels sur les réseaux sociaux afin d’encourager le don de manuscrits. Son objectif est de rassembler et préserver ces trésors menacés, en les transférant vers le laboratoire de l’université pour leur numérisation et leur conservation.
Adel Saïd Toumi, responsable de la bibliothèque centrale, a souligné la richesse de la collection actuelle, accessible via la bibliothèque virtuelle. Il a précisé que l’équipe accorde une grande importance à la recherche et à l’indexation rigoureuse des documents.
Le laboratoire comprend trois ateliers : l’un dédié à la restauration traditionnelle et au catalogage, le second à la numérisation, et le troisième à la conservation. L’indexation se fait selon les normes classiques et numériques, intégrant tous les éléments essentiels tels que le titre, l’auteur, la date de copie et le nombre de feuillets.
Les défis du catalogage des manuscrits anciens
Adel Saïd Toumi a souligné que le principal obstacle rencontré par les archivistes est la difficulté à dater les manuscrits. Beaucoup sont endommagés, illisibles ou incomplets à cause de l’humidité.
Toumi a précisé que les technologies modernes jouent un rôle crucial dans la protection de ces œuvres contre les dégradations naturelles et humaines. Seule une petite partie des manuscrits n’a pas pu être numérisée en raison de leur détérioration avancée.
L’objectif de la numérisation est de faciliter l’accès pour les chercheurs tout en préservant l’original, de promouvoir ce patrimoine rare, notamment auprès des jeunes.
50 manuscrits au Centre de lecture Cheikh Ben Badis
Le Centre de lecture Cheikh Abdelhamid Ben Badis conserve près de 50 manuscrits rares datant de plus de sept siècles, soigneusement préservés dans des vitrines en verre.
La bibliothèque de l’université Mentouri de Constantine abrite quant à elle 18 manuscrits portant sur divers sujets tels que la littérature arabe et les religions.
Parmi les titres catalogués figurent Al-Jawahir al-Hisan fi Tafsir al-Qur’an, Rawnak al-Tafasir, al-Mizan ou encore des commentaires grammaticaux.
Selon Othmane Belghit, ces manuscrits attirent les chercheurs en raison de leur valeur scientifique, artistique et identitaire pour l’Algérie.