Un chercheur américain :

Le Coran s’inscrit dans un discours religieux plus large que la Bible

14:51 - June 11, 2025
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IQNA-Le professeur américain Gabriel Said Reynolds a affirmé que le Coran, loin d’être un simple imitateur des Écritures antérieures, réemploie le langage biblique de manière créative.

Lors de la quatrième école d’été Reflect organisée en collaboration avec l’université d’Exeter, il a affirmé que cela témoigne non pas d’une dépendance mais d’une participation active à un discours religieux élargi.

Spécialiste de l’islam et professeur à l’université de Notre-Dame (États-Unis), Reynolds a présenté ses recherches aux côtés de 18 autres chercheurs venus de 14 pays. Il a rappelé que le Coran utilise des expressions familières aux traditions juive et chrétienne pour leur donner un sens nouveau, s’inscrivant ainsi dans une dynamique de renouvellement du message religieux.

Auteur de plusieurs ouvrages majeurs sur le Coran et ses liens avec la Bible, Reynolds a également été conseiller du Vatican pour le dialogue interreligieux et a participé à des rencontres avec des représentants de l’université d’Al-Azhar. Son approche souligne l’importance du contexte historique et intertextuel dans la compréhension du texte coranique, mettant en lumière la richesse de son interaction avec les traditions scripturaires antérieures.

Une interaction créative avec le contexte religieux biblique

Lors de son intervention à l’école d’été Reflect, Gabriel Said Reynolds a souligné que le Coran reprend certaines expressions et idées théologiques issues de la Bible, parfois directement, parfois sous forme transformée. Selon lui, ces références ne prouvent ni une dépendance ni une imitation, mais reflètent une interaction créative du Coran avec le contexte religieux des traditions juive et chrétienne.
 
Spécialiste des études coraniques, Reynolds a structuré son intervention en trois parties : un aperçu de la Bible, des exemples de reprises dans le Coran, et une réflexion sur ce que ces emprunts révèlent du public et du contexte du message coranique. Il a notamment comparé la Bible à une bibliothèque littéraire riche, composée de nombreux genres et langues, bien au-delà du seul canon biblique officiel.
 
Reynolds a aussi rappelé l’importance de dépasser les lectures réductrices. Selon lui, se limiter à une comparaison directe entre le Coran et la Bible empêche de saisir la diversité des textes religieux qui circulaient au Proche-Orient à la veille de l’islam. Il a plaidé pour un dialogue académique renforcé entre les chercheurs occidentaux et ceux du monde musulman, afin de dépasser les malentendus et enrichir la compréhension mutuelle.
 
Réinterprétation des expressions bibliques dans le Coran
 
Au cœur de son intervention, Gabriel Said Reynolds a mis en lumière la manière dont certaines expressions bibliques apparaissent dans le Coran avec une fonction théologique renouvelée. Ces reprises, bien que proches dans la forme, sont intégrées dans des contextes différents et servent des messages distincts.
 
Il a évoqué l’exemple de la métaphore du chameau et du chas de l’aiguille. Dans l’Évangile selon Matthieu (19:24), elle critique la richesse : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu. » Le Coran, en revanche, utilise une image quasi identique dans la sourate al-A‘rāf (7:40), mais pour évoquer l’orgueil face aux signes divins, montrant une réorientation du sens.
 
Autre exemple : l’expression « Nos cœurs sont enveloppés » (Coran 2:88 , 4:155), que Reynolds met en lien avec l’idée biblique du « cœur incirconcis », symbole d’un refus intérieur d’adhérer à Dieu. Il a rapproché cette formule coranique du langage de l’Ancien Testament et des Actes des Apôtres, insistant sur une mémoire religieuse commune.
انعکاس
 
Selon Reynolds, ces exemples témoignent non d’un emprunt passif, mais d’un dialogue profond entre textes et traditions.
 
Créativité scripturaire plutôt qu’imitation
 
Pour Gabriel Said Reynolds, la présence du langage biblique dans le Coran ne doit pas être interprétée comme une dépendance ou une imitation, mais comme une manifestation d’un dialogue religieux élargi. Le Coran, selon lui, réemploie des expressions familières de manière novatrice.
 
Il cite l’exemple de la graine de moutarde. Dans les Évangiles, elle symbolise la croissance intérieure de la foi. Le Coran, en revanche, l’utilise pour souligner la connaissance divine absolue, jusque dans les moindres détails.
 
Reynolds montre ainsi que, comme pour la métaphore du chameau et du chas de l’aiguille, le Coran reformule ces images dans un autre cadre théologique.
 
Il évoque aussi le verset coranique 32:17, proche de 1 Corinthiens 2:9, sur les récompenses invisibles de l’au-delà. Cette convergence, également reflétée dans un hadith divin, illustre un fond théologique partagé sans implication de plagiat.
 
Le Coran, un texte original et créatif
 
Gabriel Said Reynolds affirme que le Coran est un texte profondément original, engagé dans un dialogue créatif avec les traditions religieuses antérieures. Il cite un verset de la sourate al-Baqara où les enfants d’Israël disent : « Nous avons entendu et désobéi », en contraste subtil avec l’affirmation biblique : « Nous avons entendu et nous obéirons » (Exode et Deutéronome). Selon Reynolds, cela illustre une réinterprétation linguistique ingénieuse, révélant l’autonomie théologique du Coran.
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Il rejette l’idée orientaliste selon laquelle les références bibliques du Coran seraient la trace d’un contact avec des groupes chrétiens déviants. Pour lui, il s’agit plutôt d’une stratégie rhétorique : utiliser un langage religieux reconnu pour être entendu dans un contexte pluraliste. Le Coran, dit-il, réemploie des expressions connues pour orienter vers un message théologique distinct.
 
En conclusion, Reynolds évoque des versets qui valorisent les moines et protègent les lieux de culte, notamment parce que « le nom de Dieu y est invoqué ». Ces exemples montrent que si le Coran critique certains dogmes chrétiens, il reconnaît aussi leur piété. Ainsi, le Coran apparaît comme un acteur actif, original et engagé dans les débats religieux de son temps.
 
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